Témoignage de Joseph Oger : histoire du mouvement syndical aux Forges de l'Adour de 1907 à 1920 (suite)

Publié le par adolphine

"Mais le fait le plus saillant de cette grève, se passa à Boucau, voici les détails, un soir Joseph Desquerre nous annonça que le lendemain à 13 heures, les grévistes se rassembleraient à la Cale pour protester contre la présence des Dragons qui assuraient la protection de l'usine Saint Gobain. Le lendemain avec quelques jeunes de la fonderie et de l'entretien, après le casse-croûte de midi pris en vitesse, nous avons pris le chemin de la porte de l'usine donnant sur les quais, elle était toujours ouverte pour permettre la libre circulation des "coucous" (petites locomotives qui tiraient les wagons des quais à l'intérieur de l'usine et inversement). A la Cale, il y avait bien quelques grévistes mais le gros des manifestants était massé à l'entrée de la porte parrallèle aux quais vers l'usine Saint Gobain et Bayonne, à l'endroit où la voie ferrée coupe cette route. A une centaine de mètres vers Saint Gobain était sis en bordure de route un terrain vague sur lequel étaient entreposées des billes de bois de pin en provenance des Landes, d'une longueur de 2m50 à 4 mètres destinées aux mines de Cardiff, elles étaient placées debout les unes contre les autres de façon à les prendre sur l'épaule avec un effort minimum. Des groupes de grévistes avaient déjà pris position couchés sur ces billes de bois. Quant à nous, on nous a refoulés sur les poteaux de mines à l'arrière de l'entrepôt, de là vous pourrez vous retirer par la voie ferrée.

 

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L'atmosphère était lourde, les grévistes ont entonné le chant de l'Internationale et la chanson du 17ème régiment d'Infanterie qui en 1907 furent envoyés à Narbonne pour mater les vignerons du midi en grève, les soldats levèrent la crosse en l'air et refusèrent d'obéir aux injonctions de leurs chefs (très belle chanson qui se termine par : "Vous auriez en tirant sur nous assassiné la République"). Cette chanson énerva paraît-il les militaires, un officier à chevall s'est approché des grévistes pour leur intimer l'ordre de se disloquer sinon les Dragons qui piaffaient d'impatience se chargeraient de nettoyer le terrain. Les grévistes répondirent par des cris hostiles et par la chanson du 17ème. Nous avons entendu le commandement d'un chef militaire : "Sabre au clair !" "En avant". Les sabots des chevaux retentirent sur la chaussée; lorsqu'ils furent à 20 ou 30 mètres de l'entrepôt des poteaux de mines, les grévistes poussèrent les poteaux de 4 mètres de longueur sur la chaussée sur lesquels les Dragons et leurs chevaux vinrent s'écraser dans un cliquetis métallique et de cris d'hommes et de hennissement de chevaux blessés. Il y eu des échaffourées, plusieurs grévistes furent arrêtés, dont Charles Desquerre de Tarnos, etc... ils furent retenus 4 ou 5 jours au poste de police de Bayonne puis relachés. Ce mouvement de grève eut un grand retentissement dans la région; il y eut quelques adhésions au syndicat des Forges.

Au cours de la période de 1911-1914, on enregistre une mutation au syndicat des Forges : le départ de Coursans Alfres secrétaire du syndicat qui passait avec succès un examen professionnel de mouleur pour entrer à l'Arsenal de Tarbes, la seconde mutation fut la percée de Garrabé en se hissant à la tête du syndicat des Forges (...)

Le jeudi 30 juillet 1914 avait lieu à Bayonne, place du Théâtre à 19 heures un meeting en plein air, organisé par la section socialiste de Bayonne, le syndicat du livre de l'imprimerie "La Rénovatrice" quai Chaho à Bayonne, les syndicats des Forges, des dockers, les membres de la section socialiste étaient invités : Garrabé était à la tête du syndicat des Forges; grâce à un tract lancé parmi les ouvriers des Forges, nous étions environ 150 boucalais et tarnosiens présents au meeting. Très vite la réunion a tourné à la bagarre, les Camelots du Roy nous ont attaqué en force, ils se sont emparés du docteur des pauvres Elosu, qu'ils voulaient jeter dans la Nive, le Maire de Bayonne est intervenu, les basques "Camelots du Roy" ont restitué Elosu mais la bagarre a continué un bon moment encore, jusqu'à ce que la police se décide à intervenir pour rétablir l'ordre.

Pourtant en prévision de la guerre qui avançait à grands pas en France se tenaient des meetings de protestation."

 

à suivre...

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