Débuts du mouvement ouvrier aux Forges de l'Adour par André Moine

Publié le par adolphine

Remerciements au Centre Culturel de Boucau Tarnos pour le prêt des notes et écrits d'André Moine.


"La première grève éclate en janvier 1887, aux laminoirs, contre une diminution de salaires. Le syndicat se forme après, en 1898.
Une autre grève surgit en 1906 chez les dockers des Forges. Après la grève se constitue un syndicat des dockers rattaché à Bayonne.
En novembre 1910, ce sont les jeunes lamineurs du train fil qui arrêtent le travail durant deux jours. Une grande grève est déclenchée en 1911 par les dockers de Bayonne entraînant ceux de Boucau Tarnos. La troupe est mobilisée, elle est logée par les soins de la Direction des Forges. Une dizaine de grévistes sont condamnés à 15 jours de prison. C'est le premier affrontement entre les ouvriers et les "forces de l'ordre" révélant le rôle de l'Etat aux côtés du patronat. Sans qu'on puisse le préciser, c'est à la suite de ces conflits que se forme à Boucau Tarnos un groupe socialiste de tendance révolutionnaire, guesdiste.
Ce processus est révélateur de la naissance et du développement de la conscience dans une classe ouvrière neuve.
Il y a, d'abord, spontanément, l'action, défensive, contre les attaques patronales.
Il y a, ensuite, création d'un syndicat exprimant plus ou moins consciemment, le besoin de défendre ses intérêts, les intérêts collectifs des ouvriers : l'existence objective d'une classe ouvrière se reflette dans les consciences. Un saut qualitatif s'opère.
Il y a, fruit de la collusion visible du patronat et de l'Etat, et aussi la germination apportée par Jules Guesde, un transfert du terrain social au terrain politique. C'est un autre saut qualitatif qui s'opère.
Ainsi, l'attitude révolutionnaire des ouvriers des Forges est enracinée dans des années d'expériences, éclairée par la politique socialiste, la théorie révolutionnaire. Elle puisera là sa force et sa continuité.
Pendant la guerre, dès juin 1916, existe un groupe de pacifistes, en relations avec Merrheim, qui réclame l'arrêt des hostilités et la reprise des relations entre socialistes français et allemands. Un rapport du commissaire spécial de Bayonne indique : "On voit apparaître dans les milieux ouvriers des tracts révolutionnaires émanant du Comité pour la reprise des relations internationales, 33, rue de la Grange aux Belles à Paris, et intitulés : "La révolution russe et le devoir socialiste" et "Appel du Comité des députés ouvriers et soldats de Russie aux prolétaires de tous les pays". Le mouvement communiste a donc commencé à se dessiner en juin 1917".
Le climat général est certes, à la résignation, mais un petit groupe travaille les esprits, et, dans ces conditions, la Révolution russe a une influence certaine au travers de rencontres et de discussions. Un ouvrier déclare : "Je me sens redevenir moi-même, c'est à dire un homme conscient." Comme quoi la personnalité s'affirme ici dans l'identité révolutionnaire.
Une grève des bras croisés est, cette fois, organisée par un Comité de grève en mai 1918, en pleine guerre. En quelques jours elle aboutit à de nouveaux tarifs de salaires, qui seront applicables dans les départements des Basses Pyrénées et des Landes. Ainsi se constitue et se révèle le rôle pilote du mouvement ouvrier des Forges pour toute la région.
Officiellement, il n'y a pas de sanctions, mais une trentaine de militants sont envoyés sur le front. Certains ne reviendront pas."

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